La prière d’abandon

Poursuivre sa marche avec le topo sur la prière d’abandon de Charles de Foucauld donné lors du pélé des familles…

LA PRIERE D’ABANDON

INTRODUCTION

Tous ici ne sont peut-être pas des spécialistes de Charles de Foucauld, mais beaucoup ont déjà entendu une prière qu’il a écrite, qui a été mise en musique : « Mon Père je m’abandonne à toi ».

Elle a été rédigée très probablement en 1896, lors d’une méditation sur l’Evangile de la Passion.

En voici le texte original.

Mon Père, je me remets entre vos mains ;

Mon Père, je me confie à Vous ;

Mon Père, je m’abandonne à Vous ;

Mon Père, faites de moi tout ce qu’il Vous plaira ;

Quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie ;

Merci de tout ; je suis prêt à tout ; j’accepte tout ;

Je Vous remercie de tout ;

Pourvu que votre volonté se fasse en moi, mon Dieu,

Pourvu que votre volonté se fasse en toutes vos créatures,

En tous vos enfants, en tous ceux que votre Cœur aime,

Je ne désire rien d’autre, mon Dieu ;

Je remets mon âme entre vos mains ;

Je Vous la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur,

Parce que je Vous aime,

Et que ce m’est un besoin d’amour de me donner,

De me remettre en vos mains sans mesure ;

Je me remets entre vos mains avec une infinie confiance,

Car Vous êtes mon Père…

Je vous propose de voir d’abord à quoi correspond cette prière d’abandon, puis d’essayer de comprendre ce qu’elle nous enseigne, et enfin, d’interroger ce à quoi elle nous invite dans notre vie personnelle.

  1. A quoi correspond la prière d’abandon ?

Premièrement, à quoi correspond la prière d’abandon ?

En la situant dans la vie et le cheminement de Charles de Foucauld, nous découvrons qu’elle constitue la prière de Jésus sur la Croix.

  1. Dans la vie et le cheminement de Charles de Foucauld

Dès sa petite enfance, Charles de Foucauld subit des épreuves : la mort de ses parents, de sa grand-mère, la fuite à cause de la guerre, le mariage de sa cousine qui lui était une seconde mère, le décès de son très cher grand-père… Il expérimente humainement, d’un point de vue psychologique et affectif, les ruptures et le sentiment d’abandon.

D’un point de vue intellectuel et spirituel, sans morale ni foi, il connaît le vide et le désespoir.

Même après son retour à la foi, l’épreuve reste présente.

En 1896, Charles de Foucauld est à la Trappe d’Akbès. Après sa conversion, il a voulu tout quitter pour suivre Jésus, l’imiter dans sa petitesse et sa pauvreté. Entré à la Trappe, il mène une vie d’austérité et de prière. Mais il se demande s’il est bien là où Dieu le veut. Alors qu’il doit bientôt prononcer ses vœux, il est dans l’incertitude, l’angoisse.

« Bon Pasteur, répondez-moi, vous qui connaissez et aimez vos brebis, tournez vos regards vers celle-ci et dites-lui ce qu’il faut qu’elle fasse pour se donner à vous de la manière la plus complète. »

On lit aussi dans le texte de cette magnifique prière le grand désir de Charles de Foucauld d’aimer Dieu, de manière amoureuse, mystique. D’un amour qui ne soit pas simplement sentimental, mais beaucoup plus profond.

D’ailleurs, dans sa dernière lettre, le jour de sa mort, il a écrit : « Quand on peut souffrir et aimer, on peut beaucoup, on peut le plus qu’on puisse  en ce monde : on sent qu’on souffre, on ne sent pas toujours qu’on aime et c’est une grande souffrance de plus ! Mais on sait qu’on voudrait aimer, et vouloir aimer, c’est aimer. »

  • La prière de Jésus pendant la Passion

En réalité, ce texte dépasse le contexte personnel d’un religieux dans l’obscurité quant à sa vocation. Il est véritablement la prière de Jésus, mise sur les lèvres et dans le cœur de son disciple.

En effet, on peut noter qu’habituellement, lorsqu’il prie, Charles de Foucauld s’adresse plutôt à Jésus, et quand il parle au Père, il dit « mon Dieu ».

Prier Dieu comme un Père, c’est prier comme Jésus nous l’a enseigné, c’est, plus profondément, laisser Jésus lui-même prier en nous.

La prière n’est pas d’abord une démarche de l’homme vers Dieu, elle est, fondamentalement, un don de Dieu, avant d’être une démarche humaine.

C’est Dieu qui nous a aimés le premier, Il nous cherche avant que nous le cherchions.

Saint Paul nous explique que « personne ne peut dire à Dieu ‘Père’ si l’Esprit Saint ne le dit dans son cœur. » « Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de nous des fils adoptifs, et par lequel nous crions Abba, Père. »

Très clairement, Charles de Foucauld a introduit son texte ainsi : « c’est la dernière prière de notre Maître, de notre Bien-Aimé… Puisse-t-elle être la nôtre…Et qu’elle soit non seulement de notre dernier instant, mais celle de tous nos instants. »

Avant de rentrer plus profondément dans le sens de cette prière, nous comprenons qu’il s’agit pour nous de nous tourner vers le Christ, de le laisser vivre et prier en nous, Lui qui a déjà porté toutes nos épreuves et nous a sauvés.

  1. Que nous enseigne la prière d’abandon ?

Essayons, dans un deuxième temps, de saisir ce que nous enseigne la prière d’abandon. Elle nous fait contempler l’Amour de Dieu Père, source de confiance, et aussi l’offrande de Dieu Fils, source de salut et de vie.

  1. L’Amour de Dieu Père : source d’ « infinie confiance »

« Je me remets entre vos mains avec une infinie confiance. »

Cela n’est possible que parce que Dieu est Père.

Posons-nous la question : qu’est-ce que cela implique que Dieu soit Père, que Dieu soit « mon Père » ?

La Bible nous révèle la paternité de Dieu.

Pas seulement parce qu’Il est créateur. Il fait alliance avec Abraham, avec un peuple qu’Il choisit.

« Je vous prendrai comme mon peuple et je serai votre Dieu. »

A ce peuple, Il donne une loi, les Dix Commandements.

Et Il aime son peuple.

« Si le Seigneur s’est attaché à vous et vous a choisis, c’est par amour pour vous. »

Dieu est un père qui a une dimension maternelle. Les allusions à l’amour maternel, viscéral, sont nombreuses. On peut dire que le propre de Dieu est sa miséricorde infinie. « Eternelle est sa miséricorde ». Or le terme hébreu pour « miséricorde » renvoie explicitement au sein maternel (même étymologie).

Dans le Nouveau Testament, Jésus continue de révéler Dieu comme Père.

Dans l’Evangile de saint Luc, sa première et sa dernière parole s’y réfèrent.

« Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? »

« Père, je remets ma vie entre tes mains. »

Quand le Père envoie son Fils, Il montre combien Il nous aime.

Il nous appelle, non seulement à le connaître, mais à être ses enfants, à participer à sa vie divine.

« Comme il est grand l’Amour dont Il nous a comblés, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu ! »

C’est cette paternité de Dieu, son Amour infini, qui nous permet d’avoir en Lui une « infinie confiance » et de nous remettre entre ses mains.

  • L’offrande du Fils : source de vie et de salut

La prière d’abandon de Charles de Foucauld nous donne à contempler Jésus pendant sa Passion.

A ce moment-là, l’offrande du Fils permet le triomphe de la Vie sur la mort. Elle est féconde, source de salut pour l’humanité.

Dans l’Evangile, Jésus commence par reprendre un psaume : « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

La racine du terme grec « abandonner », au sens de « quitter, laisser », est le mot d’ « entrailles », comme pour un enfant expulsé du ventre de sa mère.

Pendant sa Passion, Jésus ressent une souffrance extrême.

Il n’est pas seulement un envoyé de Dieu, une sorte de chargé de mission. Il est véritablement Dieu avec nous. Il prend sur Lui nos épreuves : le sentiment du silence de Dieu, la faiblesse apparente de Dieu, le déchaînement du mal… Tout ce qui suscite la moquerie de ses ennemis, tout ce qui scandalise et décourage la plupart des disciples, au point qu’ils s’enfuient.

Néanmoins, au cœur même de la souffrance, Jésus montre l’exemple de l’abandon : par un acte libre et positif, il fait confiance à son Père.

« Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Pourtant, non pas comme je veux, mais comme Tu veux ! »

Jésus est intimement accordé à la volonté du Père.

Il réalise l’offrande de Lui-même.

« Père, je remets mon esprit entre tes mains. »

C’est ici que se situe le retournement.

Parce que Jésus s’abandonne totalement, la puissance de Dieu peut triompher.

Jésus sauve l’humanité, Il est glorifié dans sa Résurrection.

On lit chez saint Jean : « Il inclina la tête et remit l’esprit. »

L’esprit, c’est l’Esprit Saint, Amour du Père et du Fils, qui à la Croix est donné au monde.

L’offrande permet la Vie.

« Par l’abandon entre les mains du Père, Jésus, sur la croix, devient le Sauveur du monde. Dans sa Résurrection, le Père le glorifie.

Les disciples de Jésus, par le baptême, deviennent enfants de Dieu et participent à l’œuvre du Salut, lorsque, dans l’abandon d’eux-mêmes à leur Père, ils entrent en communion de mort et de vie avec le Christ. » (Mgr Boulanger)

  1. A QUOI NOUS INVITE LA PRIERE D’ABANDON

Pour terminer, voyons ce à quoi nous invite la prière d’abandon.

Comment vivre personnellement l’abandon ?

C’est-à-dire, comment imiter Notre Seigneur ?

Comment être un chrétien authentique, non pas juste un adepte d’une doctrine parmi d’autres, mais, en vérité, un autre Christ ?

  1. Faire acte de volonté, se décentrer

Pour cela, il faut faire acte de volonté et se décentrer.

Aujourd’hui, la notion de lâcher-prise est en vogue. C’est une sorte de mantra du développement personnel, un avatar du quiétisme, pour ceux qui aiment les références historiques.

Et on pourrait imaginer que s’abandonner c’est tout lâcher !

Mais ne confondons pas !!

Ce n’est pas parce que je suis pauvre, faible, limité, blessé, que je dois être mou et passif !

L’abandon est un acte authentique, positif, libre, courageux, comme celui de Jésus dans sa Passion.

Je décide de faire confiance au Seigneur.

Je décide de croire qu’Il est avec moi, même, et surtout, au plus dur de l’épreuve ; je décide de ne pas perdre de vue qu’Il m’aime et prend soin de moi ; je décide de ne pas m’inquiéter ; je décide de me tourner vers Lui, d’attendre son secours et de désirer sa présence.

Lorsque nous sommes dans l’obscurité, dans l’épreuve, ce peut-être réellement crucifiant, et demander un vrai courage.

Quand on étudie la vie de Charles de Foucauld, on identifie clairement un tel tournant.

Après sa conversion, avec une grande générosité, il quitte tout et s’engage dans une vie d’austérité et de prière. Mais au bout d’un temps, il se sent dans une impasse. Il considère sa vie comme une succession d’échecs. Aucun disciple ne l’a rejoint, aucun musulman alentour ne s’est tourné vers le Christ. Il comprend alors qu’il doit offrir cette pauvreté-même, accepter cette apparente infécondité de sa vie.

Finalement, c’est l’expérience de tous les saints. On peut dresser des parallèles avec d’autres textes connus.

Saint Ignace : « donne-moi seulement de t’aimer et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit ».

Saint Claude de la Colombière : « toute ma confiance, c’est ma confiance-même ».

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « c’est l’abandon seul qui me guide », « J’ai une si grande confiance en Dieu qu’il ne pourra m’abandonner. Je remets tout entre ses mains. »

On a en tête les versets de saint Paul : « ma grâce te suffit », « quand je suis faible, c’est alors que je suis fort ».

Fondamentalement, dans cet acte d’abandon, nous sommes appelés à nous décentrer de nous-mêmes, de nos désirs immédiats, de nos réussites, de nos échecs, de notre propre lecture des évènements et des situations, de notre sentiment de nullité parfois. Nous devons renoncer à une stricte efficacité humaine pour accueillir la fécondité divine.

Nous décentrer pour nous tourner vers le Bien-Aimé, comme l’appelle Charles de Foucauld, et le laisser agir en nous.

Marcel Van le résume ainsi : « je ne regarde ni près ni loin de moi, je regarde Celui que mon cœur aime. »

Ce n’est ni facile ni spontané, c’est en le répétant, en s’y appliquant, en le demandant au Seigneur, qu’on peut le vivre.

  • Vivre l’instant présent, demeurer dans la paix

Concrètement, comment agir pour vivre l’abandon ?

Charles de Foucauld décline plusieurs aspects : « être prêt à tout », « tout accepter », « remercier pour tout ».

C’est l’attitude de l’âme qui sait qu’un Dieu-Père l’aime et la conduit, que Dieu n’attend qu’une disposition à accueillir sa volonté dans le petit quotidien pour la combler.

Bien sûr, le Seigneur nous donne parfois de grands rendez-vous décisifs, où nous devons poser des choix fondamentaux.

Mais d’ordinaire, il nous attend, très simplement, dans l’instant présent.

Il nous parle par les évènements qui surviennent au cours de nos journées, nous invitant à discerner quelle est sa volonté à tel moment, dans telle situation.

Certains auteurs parlent des évènements comme des « ambassadeurs de la volonté divine ».

Charles de Foucauld écrit dans un autre texte : « Je vis au jour le jour, tâchant uniquement de faire à tout instant que donne Dieu, sa volonté ».

Dieu nous attend dans notre état de vie particulier (célibataire, fiancé, marié, veuf, consacré, parent ou non, exerçant telle ou telle activité professionnelle), il nous attend à notre place, vigilant, dans chaque petit acte que nous posons, à lire et accomplir sa volonté. En un mot, fidèle à notre devoir d’état.

Ajoutons, au passage, que cela est réellement pacifiant, puisqu’il s’agit de s’ancrer sur l’essentiel : qu’est-ce que le Seigneur attend de moi, tel que je suis, ici et maintenant ? Sans s’inquiéter du reste.

Tourner son cœur vers Dieu, accueillir les évènements comme ambassadeurs de sa volonté, être fidèle à son devoir d’état, ne pas se tourmenter ni s’agiter : voilà en quoi consiste l’abandon vécu.

Dans une lettre, Charles de Foucauld confie ceci : « Je tâche de faire au jour le jour la volonté de Jésus et suis dans une grande paix intérieure ».

N’hésitons pas à nous appuyer sur la Sainte Vierge, qui, de la simplicité de son « fiat » à sa présence douloureuse au pied de la Croix, nous montre comment vivre amoureusement accordé à la volonté de Dieu.

L’abandon est le chemin de l’amour et procure la paix véritable.

« En dépouillant de tout les âmes qui se donnent absolument à lui, Dieu leur donne quelque chose qui leur tient lieu de tout, de lumière, de sagesse, de vie et de force, c’est son amour.

L’art de l’abandon n’est que celui d’aimer. L’amour divin accorde tout à qui ne lui refuse rien. » (P.de Caussade)

Le fruit de l’abandon, finalement, c’est la sainteté : à qui s’abandonne, Dieu se donne Lui-même. Et qu’est-ce que la sainteté sinon l’union à Dieu ?

CONCLUSION

Pour conclure, je vous propose de redire la prière d’abandon, de la laisser résonner en nous, pour que ce soit l’Esprit-Saint qui prie en nous, et qu’Il vienne transformer nos vies.

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