Chaque semaine entre Pâques et la Pentecôte 2021, à l’occasion de son message fraternel hebdomadaire, Mgr Christory notre évêque, nous parle de cette belle exhortation apostolique Amoris Laetitia dont l’Église a fêté les 5 ans de sa sortie le 19 mars 2021 dernier.
Extrait du message 117 du 16 avril 2021
Dans les lignes qui suivent, je vous propose de continuer la lecture de l’exhortation apostolique « La joie de l’Amour » du pape François (Amoris Lætitia), au chapitre 2. Celui-ci en donne comme titre « les réalités et les défis de la famille ». La famille est cet espace que nous désirons tous, pour nous comme pour les générations à venir. Un espace de vie et d’amour, de bienveillance et d’éducation. Certes aucune famille n’est dispensée de la souffrance et des blessures. Heureusement, l’amour reçu dans la foi au Christ donne une force aux couples pour s’aimer et élever leurs enfants. Les experts laïcs et les clercs du Synode romain de 2016 ont rassemblé les témoignages venus de nombreux pays. Certaines problématiques peuvent ne pas être les nôtres mais l’Église en tant que Mère de tous les peuples en donne un écho élargi. Le pape reconnaît avec espérance que « beaucoup de familles, qui sont loin de se considérer comme parfaites, vivent dans l’amour, réalisent leur vocation et vont de l’avant, même si elles tombent souvent en chemin. » (n°57) « La force de la famille réside essentiellement dans sa capacité d’aimer et d’enseigner à aimer. Aussi blessée soit-elle, une famille pourra toujours grandir en s’appuyant sur l’amour » (n°53) Selon les Saintes Écritures, la famille est un don du Dieu créateur qui donne à Adam et Ève le bonheur de se reconnaître dans leur complémentarité sexuée comme un don l’un pour l’autre : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! » (Gn 2,23) L’Église porte une grande espérance sur la famille et veut promouvoir un regard enthousiaste et lucide sur les enjeux à venir.
La société s’est transformée depuis quelques décennies motivant des bouleversements des modes de vie, tant personnels que familiaux. Dans le passé, essentiellement avant 1968 qui marque, les historiens l’ont démontré, une vraie rupture, la famille traditionnelle – un homme, une femme et des enfants – était le modèle courant et elle assurait un lieu de vie stable pour les gens. On se mariait. Les enfants y trouvaient un cadre généralement protecteur. Cependant la famille restait un modèle surtout patriarcal qui ne présentait pas que des avantages. C’est pourquoi nous ne pouvons pas regarder la famille avec des rétroviseurs car le changement anthropologique et culturel des dernières décennies a modifié nos conceptions et changé nos vies. C’est un fait à considérer courageusement et profondément. C’est dans ce nouveau paradigme que l’Évangile doit être annoncé. Comme catholiques, nous ne sommes pas isolés sur une île lointaine. Nous devons cependant lutter, avec courage, contre des dérives et des idéologies dramatiques comme celle du gender, de la banalisation des séparations, de la cohabitation sans engagement ou encore des projets de manipulations génétiques.
Si beaucoup de progrès sont réalisés, notamment grâce à l’éducation, aux soins médicaux, au suivi psychologique et conjugal, aux meilleures conditions d’habitat et de travail, tout n’est pas rose en notre monde. La société suscite des réalités dramatiques qui sont autant de nouveaux défis, dit notre pape. Comment les nommer en quelques lignes ? Il faut mettre des nuances, les relier à des cultures diverses, voir que tout évolue, pour le meilleur parfois mais aussi pour le pire. Quelles réalités ? La pauvreté et la misère morale, les logements exigus, le manque de revenu, la pornographie, la violence conjugale, les abus sexuels et les viols, la discrimination de la femme, la toxicomanie, l’alcool, les mutilations sexuelles, l’enfermement dans le confort, etc. Quand le malheur la frappe, la famille « peut être une école du ressentiment et de la haine dans les relations humaines de base. » (n°51) Les enfants absorbent des conceptions mondaines qu’ils captent sur les réseaux et dans leurs écoles. Les parents sont contaminés par les séries télé qui déforment les relations sociales, affectives et familiales. L’adultère est banalisé tout comme les relations sexuelles éphémères. La famille peut être heureusement un lieu protecteur mais elle est poreuse et intercepte l’air du temps.
Que pouvons-nous faire ? Quelle mission peut se donner l’Église ? D’elle doit jaillir un regard d’espérance et d’ouverture. Pour cela, les fondations sont la lumière de la Parole de Dieu et l’enseignement du Magistère de l’Église sur la famille et l’amour conjugal. L’Église doit avant tout ouvrir ses portes aux familles ce qui signifie son cœur, quels que soient ses modes de vie, pour les accompagner vers Jésus-Christ. Conscient des peines endurées, le pape précise que « l’Église doit surtout avoir à cœur de les comprendre, de les consoler, de les intégrer, en évitant de leur imposer une série de normes, comme si celles-ci étaient un roc, avec pour effet qu’elles se sentent jugées et abandonnées précisément par cette Mère qui est appelée à les entourer de la miséricorde de Dieu. » (n°49) Alors elle pourra enseigner le projet divin sur le couple que forment l’homme et la femme, dans une union exclusive et indissoluble, stable et féconde. La société elle-même se développera par la stabilité de ces familles, grâce à l’éducation à la liberté personnelle, à la transmission d’un langage riche permettant des échanges entre les cultures, à l’apprentissage de la chasteté en vue du don de soi tel que notre Seigneur le propose, dans le mariage comme dans la vie consacrée.
Les temps nouveaux, bouleversés par la pandémie qui a mis à mal certains couples, nous poussent à une réflexion approfondie et renouvelée sur la conjugalité et la famille. C’est un défi que nous pouvons relever si, ensemble, nous y participons. Relisons encore le texte du saint Père. « En tant que chrétiens nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode, ou par complexe d’infériorité devant l’effondrement moral et humain. Nous priverions le monde des valeurs que nous pouvons et devons apporter. Certes, rester dans une dénonciation rhétorique des maux actuels, comme si nous pouvions ainsi changer quelque chose, n’a pas de sens. Mais il ne sert à rien non plus d’imposer des normes par la force de l’autorité. Nous devons faire un effort plus responsable et généreux, qui consiste à présenter les raisons et les motivations d’opter pour le mariage et la famille, de manière à ce que les personnes soient mieux disposées à répondre à la grâce que Dieu leur offre. » (n°35)
Voici le projet pour notre diocèse. Présenter les raisons appelle une véritable formation des chrétiens. Voici une intention de prière pour tous les catholiques. Voici l’enjeu et le travail, que nous soyons jeunes avec le désir de fonder une famille, ou que nous soyons déjà des anciens. La prière sera notre force et notre secours. Ne pourrions-nous pas prendre la bonne habitude de prier les laudes le matin et les vêpres le soir, en couple, à cette intention ? A chacun de voir ! Dans un prochain message, nous poserons notre regard sur Jésus pour évoquer la vocation de la famille.